L'histoire du Château-Margaux

Loi du 29 janvier 1881

Le 29 janvier 1881, la III ème République promulgue une loi sur la marine marchande qui est complétée par un décret d'application le 25 août 1881. Son objectif est d'alléger les charges des compagnies maritimes françaises en leur attribuant, ainsi qu'aux chantiers de construction, des avantages financiers.

En effet, l'Etat Français s'engageait à verser pour 10 ans, une prime à la navigation au long cours fixée par tonneau de jauge net et par mille parcouru :

- 1 franc 50 pour les navires à voile et à vapeur neufs de constructionfrançaise et décroissant par année

- cinq centimes pour les navires en fer.

Cette prime était réduite de moitié si le navire avait été construit à l'étranger et ne pouvait être attribuée si les navires étaient affectés sur un service déjà subventionné (services postaux ou de continuité territoriale par exemple).

Un surplus de 15 % était considéré pour les navires à vapeur construits sur des plans préalablement approuvés par le département de la Marine. L'objectif pour la Marine était de pouvoir disposer de navires correspondant à des besoins militaires. En effet, les années 1880 marque le début de l'expansion coloniale: la colonisation en Algérie et Tunisie a commencée, celle de l'Afrique noire débute en 1880, l'Indochine en 1883, Madagascar en 1885 ... les besoins en transport maritime pour acheminer les troupes sont importants et la Marine se constitue, par le biais de cette loi, un réservoir de navires adaptés à ces besoins et pouvant être réquisitionner sous un faible préavis.

La ligne Bordeaux-New York

Comme de nombreuses autres compagnies à cette époque, la Compagnie Bordelaise de Navigation à Vapeur est créée grâce à la loi du 29 janvier 1881 car les subventions ainsi obtenues rendent rentables de nombreuses lignes.

Action de la Compagnie Bordelaise de Navigation à VapeurC'est le cas de la ligne Bordeaux-New York. Jusqu'en 1881, aucun service régulier sous pavillon français ne reliait directement le port de Bordeaux à l'Amérique du Nord. Tous les passagers embarquaient au Havre tandis qu'un service de cabotage de la C.G.T. (Compagnie Générale Transatlantique) rapatriait les marchandises depuis Bordeaux. Le tout embarquait alors sur les services "atlantiques" de la French Line.

Crée en 1881, la Compagnie Bordelaise de Navigation à Vapeur passe commande de 4 navires (2 en Grande-Bretagne et 2 en France) pour pouvoir lancer ses services sans retard.

Elle reçoit des chantiers anglais Oswalds Mordaunt & Co le Château-Laffite, de ceux de la Sunderland Shipbuilding Co le Château-Léoville tandis que les Chantiers & Ateliers de la Gironde anciens Ets Bichon, livrent en 1883 les sisterships Château-Margaux et Château-Yquem.

Le Château-Margaux est un grand steamer de 117 mètres de long à hélice, gréé en 3 mâts goélette, muni d'un spardeck et de sept compartiments étanches. Ses plans ont été approuvés par le département de la Marine qui en surveille la construction aux Chantiers & Ateliers de la Gironde près de Bordeaux. Ce faisant, le Château-Margaux peut bénéficier de la surprime de 15 % (arrêté ministériel du 25 mars 1884).

 

Portant tous des noms de grands crus bordelais, la compagnie prit vite le nom de «Wine Line» en Amérique du Nord.

Carte des traversées du Château-Margaux

 

Bouton d'uniforme de la Compagnie Bordelaise de Navigation à Vapeur

 

Dangers en haute mer

A l'époque, les traversée étaint perilleuses, Affecté sur la ligne Bordeaux-New York, le Château-Margaux connaît de nombreux déboires et ce dès le début.

Publicité de la Compagnie Bordelaise de navigation à VapeurLancé le 7 juillet 1883, le Château-Margaux s'arrête en plein milieu de la cale de lancement et il faut attendre le 20 juillet pour qu'il prenne contact avec son élément.

Le 6 mars 1884, il est désemparé de son gouvernail en plein Atlantique. Il ne doit son salut qu'au vapeur anglais Caledonia qui le remorque jusqu'à Halifax. A lire > la première traversée du Château-Margaux

Le 25 février 1885, le Ferdinand de Lesseps de la Transat l’aborde dans le port de Bordeaux.

Le 6 septembre 1887, sur son trajet de retour, il perd son hélice lors d'une tempête. L'Atlas de la Cunard Line le remorque alors jusqu'à Queenstown. Payant une caution de 175.000 francs, il est autorisé a quitter le port le 28 à la traîne du remorqueur anglais Flying Serpent. Malheureusement, à son arrivée a Cherbourg, le Château-Margaux heurte le vapeur suédois Trelleborg !

Cependant, la roue tourne et en août 1888, il porte assistance au paquebot allemand California qu'il remorque sur 300 miles jusqu’à New-York.

Le Havre, Bordeaux, La Havane, Vera-Cruz

En 1888, des contacts sont pris par la Compagnie Générale Transatlantique pour un affrètement des Château-Margaux et Château-Yquem.

Lors des délibérations du Conseil d'Administration de la C.G.T du 24 juillet 1888 : le Président expose au Conseil qu'il a examiné la question de location des 2 paquebots Château-Margaux et Château-Yquem de la Société Bordelaise. II a eu une entrevue avec Mr Bordes, administrateur délégué de cette société, et il y a tout lieu de croire que l'affaire va pouvoir aboutir, car il est d'accord avec M. Bordes sur les bases d'un contrat dont on étudie les détails.

C'est chose faite la semaine suivante car lors du Conseil du 31 juillet 1888 : le Président de la Transatlantique informe le Conseil qu'il est tombé d'accord avec Mr. Bordes pour la location du Château-Margaux et du Château-Yquem à raison de 500 francs chaque par jour . La Compagnie Générale Transatlantique affrète donc pour 5 ans avec faculté d'achat les 2 paquebots de la "Bordelaise".

Le 1er Octobre 1888, le Château-Margaux inaugure la nouvelle ligne de la C.G.T entre Le Havre, Bordeaux, La Havane, Vera-Cruz.


Le naufrage

Samedi 27 avril après midi, le Château-Margaux quitte le port du Havre à destination d'Anvers. II est 2 h du matin ce dimanche lorsque le navire du capitaine Sensine arrive dans les parages de la pointe d'Ailly. La brume tant redoutée des marins enveloppe le Château-Margaux de son blanc manteau. Pour ne rien arranger une pluie fine et serrée se met à tomber réduisant encore plus la visibilité.

Le Château-Margaux est à 18 miles dans le Nord-Ouest d'Ailly lorsque l'étrave d'un navire surgit de la brume sur son tribord avant. Aucune manoeuvre ne peut empêcher l'abordage et le navire abordeur s'encastre dans le cargo de la Bordelaise dans un choc effroyable. A bord du Château-Margaux, on ne peut que constater les dégâts : le S/S Manora appartenant à la British India Steam Navigation Company est encastré dans le tribord avant, en arrière du mat de misaine. Le choc a été si violent qu'une des ancres du vapeur anglais est tombée à bord du malheureux cargo avec près de 100 mètres de chaîne. Après avoir démanillé sa chaîne et effectué une marche arrière, le Manora arrive à se dégager de son compagnon d'infortune.

Le bateau-pilote n°35 de Victor Guerrier non loin des lieux du drame avait recueilli une partie de l'équipage descendu dans les embarcations du bord. Victor Guerrier obéissant à la règle immuable des gens de mer, des navires se déroutent pour porter assistance au Château-Margaux : le vapeur Lyon de la ligne Dieppe-Newhaven tente de le prendre en remorque. Une trop faible puissance et un Château-Margaux prenant de plus en plus l'eau sur son avant empêche le Lyon d'accomplir le remorquage.

Le vapeur hollandais Othello se déroute aussi pour porter assistance mais rebrousse chemin vers Le Havre car son aide n'est pas nécessaire.

La Compagnie Générale Transatlantique aussitôt informée de la fortune de mer du Château-Margaux envoie les remorqueurs Tourville et Abeille n° 8 à son secours.

Victor Guerrier rejoignit le capitaine Sensine resté à bord avec une douzaine d'hommes pour tenter d'éviter que le Château-Margaux ne sombre. Néanmoins, Sensine et Guerrier doivent se rendre à l'évidence: le cargo de la Bordelaise est perdu et il leur faut quitter le bord. A peine sont-ils à bord d'un canot que le Château-Margaux coule à pic ; il était une heure du matin ce lundi 29 avril 1889.

Peu de temps après, arrivent sur zone le Tourville et l'Abeille n° 8 malheureusement trop tard. L'équipage du cargo naufragé est transféré à bord de l'Abeille qui prend en remorque le bateau-pilote n° 35 et les canots du Château-Margaux. Les 2 remorqueurs arrivent dans l'après midi au port du Havre. Le pont de l'Abeille n° 8 est recouvert de malles et d'effets personnels appartenant aux 91 hommes d'équipage qui font grise mine lorsqu'ils sont débarqués dans l'avant près des locaux de la Compagnie Générale Transatlantique. Même si leur navire a sombré, tous sont sains et saufs. Ils seront rapatriés grâce au Ville de Marseille.

A lire > L'abordage du Château-Margaux

 

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